Courrier aux députés avant le vote de la loi pour les rapatriés d'Indochine
Mesdames et Messieurs les Députés,
Objet : Proposition de loi n°949 – Reconnaissance et réparation pour les rapatriés d'Indochine de Bias, Sainte-Livrade-sur-Lot et Noyant-d'Allier
Je m'adresse à vous au nom de l'association CEP-CAFI, pour défendre les droits des Français d'Indochine, notamment ceux rapatriés depuis 1955 et installés dans plusieurs centres d'accueil mis en place par l'État, parmi lesquels Bias, Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne) et Noyant-d'Allier (Allier).
Il est temps de lever le voile sur l'histoire méconnue — et trop longtemps ignorée — de ces Français, injustement exclus depuis plus de 70 ans des dispositifs législatifs relatifs aux rapatriés. La loi du 26 décembre 1961 avait pourtant défini ce statut et les droits qui y étaient attachés. Mais dès 1962, un simple changement d'intitulé — le Centre d'Accueil des Rapatriés d'Indochine devenant Centre d'Accueil des Français d'Indochine (CAFI) — a eu pour effet d'écarter ces citoyens de toutes les mesures de soutien réservées aux rapatriés.
Ainsi, les Rapatriés français d'Indochine ont été oubliés par la loi de 1962, et par toutes celles adoptées ensuite, principalement orientées vers les rapatriés d'Algérie. Pourtant, en 1962, lorsque des familles de harkis furent accueillies à Bias, Le Vigean, Saint Hilaire les rapatriés d'Indochine y vivaient déjà depuis des années.
Les conditions de vie dans ces centres étaient rudimentaires, indignes, et marquées par un encadrement rigide, géré par l'arrêté Morlot, un texte administratif répressif qui limitait gravement les libertés et droits fondamentaux des familles.
Malgré cela, aucune reconnaissance, aucune réparation ne leur a jamais été accordée.
En 1975, des lois spécifiques sont venues améliorer le sort des harkis, entraînant notamment le démantèlement du camp de Bias. Pendant ce temps, les rapatriés d'Indochine continuaient de vivre dans la précarité, dans des conditions marquées par l'oubli, l'exclusion et la relégation.
La loi du 23 février 2022 a reconnu la responsabilité de l'État dans l'accueil indigne réservé aux harkis et aux rapatriés d'Algérie de statut civil local. Elle a prévu des réparations pour les préjudices subis, en soulignant les souffrances psychologiques, sociales et les atteintes à la dignité.
Mais qu'en est-il des rapatriés d'Indochine ? Ceux de Sainte-Livrade (1200 personnes), Bias (800) et Noyant-d'Allier (1700) ont vécu les mêmes épreuves, souvent plus longtemps encore. Aucun geste, aucune loi, aucune reconnaissance ne leur a été adressée. Et pourtant, leur relégation a marqué plusieurs générations, par la misère, l'isolement, et la douleur silencieuse de l'injustice.
Le rapport 2022 de la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (CNIH), présidée par M. Jean-Marie Bockel, en atteste. À la page 57, il est clairement écrit :
« En raison du traumatisme de l'exil, du déclassement social et de la relégation, des mauvaises conditions de vie, il régnait dans ces camps une grande misère psychologique et matérielle... La CNIH suggère que le périmètre de la loi du 23 février 2022 soit étendu aux anciens supplétifs et/ou rapatriés d'Indochine... »
L'égalité devant la loi, le respect de la dignité humaine et la mémoire nationale l'exigent.
Le 13 mai 2025, lors de la conférence des présidents des groupes, une question officielle a été adoptée à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. le Député Olivier Faure, portant précisément sur cette nécessaire reconnaissance. Le texte de loi transpartisan n°949, cosigné par une centaine de députés de tous horizons politiques, sera débattu le mardi 3 juin 2025.
Les associations CEP-CAFI, Association des Rapatriés d'Indochine de Noyant d'Allier et Fédération Nationale des Rapatriés, représentant les familles concernées dans ces trois sites historiques, ont multiplié les démarches auprès des parlementaires.
Aujourd'hui, elles ont besoin de votre voix.
Nous vous demandons de soutenir ce texte avec conviction, pour que justice soit enfin rendue à ces premiers rapatriés de l'histoire française, qui demeurent les derniers oubliés du législateur.
Après plus de 70 ans d'attente, ils réclament reconnaissance, réparation, et respect.
Par cette loi, il s'agit de réparer une discrimination longtemps ignorée et de redonner aux Rapatriés d'Indochine, notamment ceux de Bias, Sainte-Livrade-sur-Lot et Noyant-d'Allier, la place et la dignité qui leur ont été refusées.
Dans l'attente de votre soutien, je vous prie de recevoir, Mesdames et Messieurs les Députés, l'expression de ma plus haute considération.
Daniel Freche
Président du CEP-CAFI
P.S. : Vous trouverez ci-joints :
Les pages du rapport d'activité 2022 de la CNIH, rendu public le 15 mai 2023 ;
La lettre adressée à Monsieur le Président de la République Emmanuel Macron, ainsi que la réponse de son chef de cabinet ;
La lettre envoyée à Madame Patricia Mirallès, Secrétaire d'État auprès du Ministre des Armées, chargée des Anciens Combattants et de la Mémoire, ainsi que la réponse de son directeur ;
Le texte de la proposition de loi n°949, rédigé par M. Olivier Faure et cosigné par plus de cent députés.
https://www.rapatries-vietnam.org/actua ... s-cnih.pdf
https://www.rapatries-vietnam.org/actua ... blique.pdf
https://www.rapatries-vietnam.org/actua ... blique.pdf
https://www.rapatries-vietnam.org/actua ... e-etat.pdf
https://www.rapatries-vietnam.org/actua ... ralles.pdf
https://www.rapatries-vietnam.org/actua ... ochine.pdf